Je vous l'avais annoncé en mars je souhaite ouvrir un peu plus Mon Ecran Radar à des contributions extérieures. Nous avions inauguré cet exercice "open source" avec ma consoeur Solveig Godeluck, qui avait réalisé une interview passionnante de Renaud Chareyre auteur de "Google Spleen". Le même Renaud Chareyre revient aujourd'hui avec ce nouveau billet à charge contre Google initialement publié sur son blog. Pour lui, la mainmise du géant du Web sur la publicité en ligne risque d'empêcher définitivement la "vieille" presse de trouver un modèle économique viable sur internet. Débat passionné en perspective entre anti-Google et Google-maniacs...
"Presse : embuscade pour un massacre",
par Renaud Chareyre
Le journalisme de plume, indépendant, le journalisme d'analyse et d'investigation, sans concession,
cela devient rare, nous dit-on. Les lignes éditoriales s'étiolent sous le poids du façonnage marketing, de la chute des ventes des éditions papiers, des restrictions de recettes publicitaires, des réductions d'effectifs, des impératifs de rendements... Pour grappiller de l'audience sur tous les écrans, la course à la production impose la tendance d'un reformatage à faible valeur ajoutée des dépêches et des communiqués. La presse écrite assisterait à son propre enterrement, emportée par la vague numérique.
Le 02/04/10 dans
"Libération", Laurent Joffrin estimait nécessaire
"d'améliorer les comptes des producteurs d'information sur le Net, aujourd'hui pressurés". Il regrettait que
"ceux qui transportent les contenus ou qui les agrègent captent l'essentiel du chiffre d'affaires, alors que ceux qui les produisent supportent l'essentiel des coûts". Par un cycle économique infernal, moins de ressources pour les salles de rédaction, c'est moins de moyens pour fidéliser les lectorats, qui se construisent sur la différenciation des supports par leur griffe ou par leur sérieux, et encore et toujours moins de latitude financière...
Pourtant sur Internet, les lecteurs n'ont jamais été aussi nombreux. Et Google n'a jamais été aussi riche. Moins qu'une crise d'audience, la problématique relève donc d'une crise de la monétisation de l'audience. La gratuité qui prévaut sur Internet, largement sous-tendue par l'offre Google, produit des ravages sur les comptes des entreprises de presse et laisse peu d'opportunités aux services payants, en ligne ou hors ligne, candidats à l'information-pas-comme-ailleurs.
Ce modèle omniprésent du gratuit payé par la publicité comporte cependant un paradoxe décisif à éclaircir. Les journalistes sont-ils en effet vraiment mis en situation d'être rétribués selon la qualité de leurs articles, c'est-à-dire sur la base exacte du pouvoir de consommation des lecteurs qu'ils s'emploient à attirer et à fidéliser ? Face à Google, ou même avec Google comme allié, les sites de presse peuvent-ils contrôler, de façon transparente, la monétisation de leurs audiences respectives ? La réponse tient en un seul mot : NON.