vendredi 28 janvier 2011

Bazooka, un Regard Résolument Möderne

Jeunes gens de l'ère Numerik, saviez-vous qu'il y a plus de trente ans d'autres jeunes gens portaient un Regard résolument Möderne sur le monde ? Sans Mac, sans palette graphique ni Internet, à la colle et au ciseau, à la sérigraphie et à la ronéo, ils inventèrent un graphisme délibérément CyperPunk et Növo. Prenant d'assaut le "Libération" baba cool des Seventie's, le collectif Bazooka emmené par Kiki Picasso s'empara de la Une du journal pendant plusieurs semaines, multipliant les provocations Punk et Dada...Anarchy in Libé, croix gammées et épingles dans le nez, esthétique fleurant bon la Propaganda des années 30 et le surréalisme socialiste, art de rue façon émeute white riot...Profondément marqué par le pop-art de Warhol et  Roy Lichtenstein, et surtout par l'esthétique de la furia Punk déferlant d'outre-Manche, ces jeunes gens mödernes d'hier ont inspiré à leur tour toute une génération d'artistes underground des années 80 (MissTic notamment) jusqu'à aujourd'hui. 
J'en parle, car leur univers visuel m'a profondément marqué ado, à la Une de "Libé" ou de "L'Echo des Savanes", sur les affiches de concert et au Forum des Halles où trainaient toute la faune keupon du tournant des années 80. J'en parle aussi parce que d'une certaine manière, je retrouve un peu de l'esprit Bazooka chez mes jeunes amis d'Owni, où Vendredi c'est toujours Graphisme ;)
J'en parle enfin parce le travail de Kiki, Loulou et les autres est en vedette à la Villa Medicis de Rome dans le cadre de l'exposition "Europunk" (La culture visuelle en Europe 1976-1980). "Libé", évidemment, y consacre un article avec ce diaporama en prime. Quelque 550 objets ont été rassemblés auprès de collectionneurs privés ou musées. Certains sont célèbres, tel le fameux portrait de la reine d’Angleterre les yeux barrés de la mention «God Save The Queen» créé par Jamie Reid pour les Sex Pistols. D'autres sont plus underground comme ces dessins, collages, fanzines et affiche de concerts réalisés par Bazooka.

mardi 25 janvier 2011

Ellroy et les femmes, sa "malédiction" est la nôtre

"Bonsoir à vous autres pédérastes, sniffeurs de colle, punks, maqueraux, clodos et renifleurs de petites culottes ! Vous auriez pu rester chez vous pour vous adonner à vos vices habituels - le sexe, la drogue, les obsessions - mais vous êtes venus m'écouter moi qui suis né dans les sources du pêché...". Lundi soir, le grand cirque Ellroy passait par Paris, tout en sexorama fiftie's, vociférations réactionnaires et injures à caractère sexuel, moulinets de bras, ricanements et roulements d'yeux furibards. Représentation unique: "James Ellroy lu par James Ellroy". L'immense écrivain (1m90 à la toise, 15 romans déglingués au compteur sans compter les nouvelles) était venu vendre son dernier livre, "La Malédiction Hilliker", sous-titré "mon obsession des femmes", devant une foule acquise et fascinée par le numéro de ce fou furieux semblant tout droit sorti d'un de ses romans de la trilogie américaine...
Il y avait donc ce James Ellroy cabotin, showman imparable, white-trash graphomaniaque, grand échalas de droite aux allures de colonel des Marines dément, montant sur la scène du théatre Marigny comme on monte sur un putain de ring. Mais il y avait aussi ce petit garçon de 10 ans au regard perdu, cherchant encore sa mère assassinée à travers toutes les femmes de sa vie, plus de 50 ans après le début de la "malédiction"...qui a commencé à lire, scander son texte comme une incantation en forme d'autobiographie exorciste (vous pouvez écouter le podcast ici en VO d'une autre lecture d'Ellroy par Ellroy organisée par Télérama). La salle médusée s'est tue, son éditeur François Guérif de Rivages a fermé les yeux comme on écoute une prière, et les deux interviewers de service, Arnaud Viviant et Eric Naulleau, ont communié avant l'épreuve (le mot n'est pas trop fort) du jeu de questions-réponses avec l'intransigeant auteur du "Dahlia Noir", de "LA Confidential", d'"American Tabloïd" .

dimanche 16 janvier 2011

"Total Recall", votre vie numérisée pour l'éternité ?


En fondant la Bibliothèque d'Alexandrie en 288 avant JC, Alexandre le Grand nourrissait le projet fou de conserver tout le savoir de l'humanité depuis l'invention de l'écriture à Sumer et Babylone. Sous l'empire romain et au plus haut de sa gloire, cette merveille de l'Antiquité compta jusqu'à 700.000 volumes sur papyrus et parchemins...avant d'être détruite et pillée par les disciples chrétiens du dernier des Ptolémée en l'an 642 comme le raconte le récent peplum "Agora". Les savants et philosophes furent expulsés et toute cette mémoire partit en fumée, plongeant le monde dans l'éclipse intellectuelle et scientifique du bas moyen-âge. A l'époque nulle copie de sauvegarde n'était disponible...
Mais quinze siècles plus tard, le saut technologique quantique permis par la révolution numérique rendrait presque palpable le rêve de garder pour l'éternité la mémoire de chaque être humain né sur cette Terre !
 L'homme est poussière et retournera à la poussière, mais ses souvenirs resteront gravés sur silicium dans une quête si humaine d'éternité. Les pharaons et Alexandre en rêvaient...Microsoft va le faire. C'est en tous cas le projet fou de Gordon Bell, un chercheur vétéran de la firme qui a entrepris en 1998 de numériser tous ses écrits, puis d'archiver sur disque dur chaque jour de sa vie en photographiant, scannant, enregistrant méthodiquement tout ce qu'il voyait, mangeait, lisait ou ressentait. Baptisé "MyLifeBits" ("mes bouts de vie"), cette vaine tentative de se constituer une e-mémoire est devenue un livre, qui vient de sortir en France chez Flammarion sous le titre "Total Recall". Une allusion bien sûr au film de Paul Verhoeven adapté d'une nouvelle du grand Philip K.Dick ("We can remember it for you wholesale"). Sauf que dans le film, la société Rekall vend des faux souvenirs qu'elle implante dans la mémoire de ses clients. Alors que Gordon Bell et son assistant Jim Gemmell prétendent vous aider à vous constituer votre propre mémoire électronique avec un véritable manuel: "imaginez que vous ayez accès, d'un simple clic, à toutes les informations reçues au cours de votre vie", résume l'incontournable Bill Gates qui préface le livre.

lundi 10 janvier 2011

Jeunes journalistes: qu'est-ce qu'on attend pour ne plus suivre les règles du jeu ?

Cela faisait un moment que j'avais envie de savoir comment les jeunes journalistes web-natives vivaient leur entrée dans une profession qui, dans les faits, n'a plus rien d'un rêve de gosse rose bonbon : précarité institutionnalisée en forme de stages et CDD à répétition, productivisme Shiva en guise de vademecum, règne des petits chefs sur des rédactions web organisée pour le flux et rien que pour le flux, arrogance aveugle des "newsosaures" de l'ère imprimée face à la grande mutation numérique de l'information...la condition faite à cette génération surdiplômée et bien mieux formée que nous ne l'étions est indigne. Et la crise de la presse n'explique pas tout. Notre génération, celle de Gutenberg, a été jusque-là incapable de comprendre et de s'adapter aux enjeux de la révolution Internet. Et dans des biens cas, tue toutes velléités d'innovation dans les rédactions en ignorant superbement ce que les jeunes ont à nous apprendre du Web. Je voulais lire tout cela sous la plume d'un confrère de moins de 30 ans. Morgane Tual, qui fut ma stagiaire il y a quelques années, a relevé le gant. Et le résultat décoiffe au-delà de mes espérances. Car la "Génération Y" en prend aussi pour son grade...Lisez plutôt le billet de mon invitée:

Pochoir Street Art
Envie d'écrire, mais manque d'inspiration. Twitter sert à tout, même à trouver de quoi bloguer. C'est Jean-Christophe Feraud, mon ancien patron aux Échos, vieux con autoproclamé du genre qu'on aimerait voir plus souvent, qui m'a soufflé cette idée de sujet : "Jeunes/vieux journalistes, papier/internet, conflits de génération ?".
A la lecture, j'étais moyennement emballée. J'en ai un peu marre du branlage de nouille journalistico-twitto-intello du moment. Et puis j'ai changé d'avis. Les vieux journalistes et leurs grands principes, les jeunes journalistes et leur manque de principes, j'en parle souvent, à l'oral. Alors autant l'écrire. En précisant bien qu'il ne s'agit que d'un coup de gueule, et que mes propos sur les cons, vieux ou jeunes, ne sont pas à généraliser.

samedi 8 janvier 2011

Digitalisme

Digitalisme: "Néologisme du début du XXIème siècle désignant le processus de transformation de l'humanité bio-analogique au format numérique. Désigne le mouvement d'idées qui accompagne et prône cette mutation" 

Digitalisme: c'est aussi un paradigme scientifique cyberpunk - pas si délirant qu'il n'en a l'air - postulant que l'Univers lui-même est une intelligence mathématique, donc informatique. Nous sommes tous des infimes données périssables de cette équation cosmique. Pour certains comme le philosophe Nick Bostrom, la vie elle-même pourrait être une simulation, une expérience de réalité, une pluie de pixels conçue pour nous faire croire que nous sommes en train de vivre ce que nous vivons. Ca vous rappelle bien sûr "Matrix" et le paradoxe de Philip K.Dick: "Je suis vivant et vous êtes morts" (Ubik) . Mais avec Internet, la SF est réalité: nous devenons nous-même une intelligence collective...hé hé un énième défi si magnifiquement humain au super-programmeur tout là haut.

Digitalism, c'est déjà un groupe d'electro fondé en 2004 par deux musiciens allemands,  Jens Moelle et Ismail Tuefekci, qui écrivent la bande son de la génération numérique dans le sillage de Justice, Daft Punk et des pionniers Kraftwerk. Pop, new-wave, rock, indie, punk, funk passés au grand mixer de leurs machines synthétiques. Digitalism est un monstre musical hybride de nouvelle génération. Digitalism incarne cette nouvelle vague de l'electro qui regarde le futur en retissant des liens avec la grande discothèque d'Alexandrie du vieux monde analogique. 
Tout un programme qui est déjà le nôtre ici...

Digitalisme: ce sera donc un nouveau projet journalistique personnel et collectif, une évolution-révolution de ce blog, un défi non-professionnel en marge de notre activité salariée. Celui d'une Zone Autonome d'Information dédiée aux nouvelles cultures numériques: technologies, médias, littérature, philosophie, musique, images, art et création...Nous regarderons le monde et l'humanité à travers et derrière la pluie de pixels, ce rideau de 0 et de 1 qui simule la réalité et irrigue nos disques durs personnels via tous les écrans devenus digitaux au propre et au figuré. Nous tenterons de décrypter les effets sismiques ou papillon de la grande mutation numérique sur nos vies, la société, notre culture passée, présente et à venir...

dimanche 2 janvier 2011

Plus analogique que les Ramones ? Tu meurs !

"Hey Ho Let's Go !"... Bientôt trente ans que leurs trois accords primitifs et supersoniques ont cueilli comme un uppercut le jeune keupon dingo que j'étais. Et le "One two three four" séminal qui lançait invariablement la machine sonique infernale des Ramones me donne toujours autant envie de pogoter comme un crétin...à 44 ans sonnés haw haw :D Drôle de manière de commencer l'an 2011 que de vous parler d'un groupe fondé voilà plus de 35 ans, séparé il y a pile poil 15 ans et dont les membres fondateurs Dee Dee, Joey et Johnny sont tous trois occupés à descendre des bières au Paradis des punk-rockers. Joey (de son vrai nom Jeffrey Hyman), le chanteur moins demeuré qu'il ne paraissait, s'est fait bouffer par un méchant crabe en 2001. Dee Dee (Douglas Colvin), bassiste et authentique voyou, a été retrouvé tout bleu une piquouze dans le bras en 2002 après une énième détox ratée. Johnny (John Cummings), le guitariste qui jouait plus vite que son ombre, a rejoint ses deux faux-frères en 2004, cancer bis repetita. Seul survivant de la formation originale, le quatrième Ramone, Tommy, qui tapait sur ses fûts comme un bûcheron a quitté le groupe dès 1978 (et poursuit aujourd'hui une paisible carrière de producteur de country...Bluegrass). Une vraie série noire qui signait la fin d'une époque No Future.